La communication politique s’appréhende comme une forme de discursivité qui vise la (con)quête, la préservation et la perpétuation du pouvoir. Le discours qui en découle précède et accompagne l’exercice du pouvoir politique, en l’explicitant, en l’idéalisant ou, même, en le dépravant. Il s’inscrit dans une problématique d’influence par la persuasion, la séduction, la propagande, l’intimidation, la menace, etc. Il s’agit, comme le soutient Rodolphe Ghiglione (1989), d’« agir sur l’autre pour le faire agir, le faire penser, le faire croire »[1]. Autrement dit, il vise à gagner l’adhésion de son auditoire pour l’amener à agir, penser et croire comme le veut la source émettrice. C’est le discours de manipulation par excellence. Il procède par un jeu de positionnement dans lequel le sujet émetteur se sublime au-dessus de son public-cible tout en l’invitant à une posture d’allégeance.
Il est, par ailleurs, le lieu privilégié d’une redéfinition des rapports sociaux, d’un recadrage des rapports entre l’État et le citoyen ou inversement, le cadre approprié à la réécriture de la philosophie et des principes qui gouvernent ces rapports. Dans la rhétorique grecque, où il trouve sa formalisation initiale, il vise à conseiller ou à déconseiller dans toutes les questions concernant la cité : la paix ou la guerre, la défense, les impôts, le budget, les importations, la législation, etc. En cela, il s’agit d’un discours de dimension étatique.
Aujourd’hui, il s’inscrit dans une intentionnalité du contrôle du pouvoir et embrasse un champ générique et formel fort varié, allant de l’interview au discours de campagne, en passant par le discours de présentation de programme de gouvernement, l’(auto)biographie politique, etc.
En période de campagne électorale, ce discours revêt un intérêt tout particulier résidant dans le désir, pour chaque candidat, de massifier le maximum d’adhésions possibles. Un tel discours procède par la mise en valeur de soi, le dénigrement de l’autre et par la stratégie de la victimisation (allusion au débat entre républicains et démocrates aux États-Unis sur une éventuelle destitution du Président Donald Trump). Sur le plan méthodologique, ce discours exploite les ressources de la linguistique, de la psychologie, de la sociologie, des sciences politiques, etc. Au niveau des sciences du langage, en particulier, il sollicite les dimensions rationnelle, thymique, éthique et esthétique. Mais, qu’il soit élaboré sur la base de linéaments esthétiques spécifiques ou à portée strictement rationnelle et objectif, ce discours offre de réelles possibilités aux différentes disciplines des sciences du langage que sont la linguistique, la grammaire, la sémiotique, la stylistique, la poétique, l’analyse du discours, etc.
Le but du jeu est d’explorer ce domaine dans le contexte particulier de la campagne électorale ou dans les stratégies de pré-campagne. Quelles sont les lois et les marques générales du discours politique de campagne et de pré-campagne électorales ? Comment ce discours offre-t-il prise à la création verbale ? Quelle place leur accorder dans le vaste canton des discours, en général ? Les spécialistes des sciences du langage sont appelés à contribuer à cette réflexion autour de trois axes majeurs :
Axe 1 : Discours de conquête du pouvoir politique et séduction langagière
Le discours politique de campagne vise la recherche de l’approbation massive du public par des moyens variés. Au nombre de ceux-ci, la séduction langagière occupe une place privilégié. Celle-ci consiste à élaborer un discours plaisant, dans lequel les moyens verbaux mis en jeu priment, le plus souvent, sur le contenu informatif. Il s’agit d’une forme de stylicité fondée sur une rhétorique de l’éloquence. Les ressources du langage sollicitées relèvent du rythme de la phrase, des jeux de mots, du système figuré avec un privilège accordé au trope, aux allusions, à la parabole, à l’allégorie, etc. Un tel discours constitue un terreau fertile à même de susciter l’intérêt des spécialistes de rhétorique, de stylistique, de sémiotique, de grammaire, de linguistique, etc.
Axe 2 : Discours de conquête du pouvoir politique et image de soi/de l’autre
Le discours politique de (con)quête du pouvoir politique est, avant tout, un discours publicitaire dont le produit est le candidat au poste concerné. Il consiste en une mise en scène de soi par divers artifices se résumant dans l’éthos préalable et l’éthos discursif. Le produit « commercial » que représente le candidat politique doit se présenter sous l’image la plus belle possible pour provoquer la séduction de la cible tout en obscurcissant, au maximum, celle de ses adversaires. Une telle démarche repose, en grande partie, sur des comparaisons, des clichés, les diverses formes de connotation, etc. La recherche de l’approbation populaire sollicite un discours accordant le primat à l’affectivité et au thymique. Ce discours mobilise l’intérêt des sciences du langage et les spécialistes sont appelés à contribuer à la réflexion.Axe 3 : Discours de conquête du pouvoir politique : formes d’expression, genres et visées
Le discours politique constitue un vaste territoire couvrant le discours de campagne, le discours d’investiture, les joutes politiques, l’interview, l’(auto)biographie politique, l’exposé de programme de gouvernement, etc. Le discours de campagne embrasse, également, à lui seul, tous ces genres et types. Le choix d’un genre ou d’un type donné n’est pas fortuit. Il est une stratégie de communication qui doit être la plus efficace possible dans un contexte spécifique. Les réflexions pourront porter sur les lois générales qui les régissent, les stratégies innovantes, les facteurs de généralité et de singularité, les mélanges de genres et de types, etc.
La proposition des résumés comportera les notifications suivantes :
Loukou Fulbert KOFFI, Professeur Titulaire de Stylistique