Le religieux, représentants de l’une des deux grandes religions révélées, d’obédience chrétienne ou islamique ; relevant soit du catholicisme soit du luthérianisme (anglicanisme, protestantisme, baptisme, calvinisme) ou encore du méthodisme, d’une part, de l’islamisme, chiite, sunnite ou moabite, d’autre part, produisent d’importants discours galvanisants, motivants, probants pour la foi ou visant à dénoncer les comportements inappropriés de certains acteurs politiques.
Ces discours religieux, d’autant qu’ils sont produits au nom d’une institution religieuse donnée, en termes de prêches, d’évangélisation, d’islamisation, d’adresses, d’invectives, voire de pamphlets, peuvent offrir prise à d’intéressantes matières heuristiques pour les sciences du langage. En tant que discours circonstanciés, périodisés, coutumiers ou récursifs, ils sont souvent empreints de tant de solennité, de haute intelligence et de pragmatisme qu’ils rayonnent bien au-delà du contexte proprement religieux. De cette façon, ils ne manquent pas de se prêter et à d’autres compétences herméneutiques que celles dont se prévalent les exégètes chrétiens et musulmans. C’est donc en tant qu’ils s’inspirent massivement de faits sociohistoriques, politiques, littéraires, psychologiques et linguistiques qu’ils peuvent servir de matière heuristique à toute enquête scientifique du langage, pouvant induire un effet plaisant, convaincant, piquant. En conséquence, ils se soumettent aux exigences de l’inventivité langagière, de l’articulation complexe des idées innovantes et de la suscitation de nouveaux comportements vertueux et accommodants.
Mais, qu’il s’agisse d’homélies de dimanche, plusieurs fois reprises dans la même journée, dans plusieurs chapelles, églises, cathédrales, basiliques ; à l’intérieur de plusieurs frontières d’États ou à l’échelle mondiale ; tout comme de prêches donnés dans de petites, grandes ou iconiques mosquées du monde, les discours religieux sont censés tirer leurs forces des dogmes et des prophètes qui les inspirent. Et pourtant, on se doute bien que l’herméneutique religieuse, chrétienne ou islamique, ne restreint pas stricto sensu au seul idéal du sacré. Car elle s’ouvre également à d’autres modèles herméneutiques, de formes langagières et de contenus idéologiques. On peut, dès lors, se demander comment une anecdote ou une parabole, biblique ou coranique, commentée par un prélat ou un imam, dans une enceinte religieuse, peut revêtir une audibilité évidente et une intelligibilité rassurante, sans un nouvel investissement dans les ressources du langage et un recours aux principes d’inventivité de formes d’expression et de production d’idées, à nouveaux frais.
L’objet visé est le discours religieux en tant que religieux, c’est-à-dire dans la mesure où il a été conçu et produit comme tel. La lecture heuristique veut y détecter et scruter les matériaux langagiers, les images et autres éléments formels qui leurs servent de linéaments, tandis que leurs investissements herméneutiques sont saisis comme autant d’arguments de foi et d’enrichissements personnels ou collectifs. Ainsi, la manière dont les religieux s’approprient les ressources du langage à des fins de prédication ou de factums, d’une part, dont les lecteurs, hommes et femmes de foi ou non, peuvent lire et comprendre plus profondément encore ou contradictoirement, d’autre part, devient un enjeu critique. La réflexion se répartit en trois axes majeurs :
Axe (1) Fondements linguistique et stylistique
Il se rapporte à l’altérité des discours religieux. L’hypothèse est que les discours religieux varient selon les frontières doctrinaires, étanches ou poreuses, qui les inspirent. Ils peuvent être polémiques à l’égard d’autres religions concurrentes, dénonciateurs des doctrines opposées ou austères quant à la façon de poser tels ou tels actes prescrits. Les discours appuyés par de telles centralités doctrinaires ne sont-ils pas, dès lors, des sources de conflits graves, pouvant embraser toute une région et, au lieu d’unir et de ramener des brebis dans la bergerie de Dieu les disperser ? en tout état de cause, comment les outils linguistiques et stylistiques sont-ils mobilisés à cette fin ? Ou encore, de quelle manière des discours pouvant être aussi réfutateurs se soumettent à une critique formelle, objective ; sans heurter des sensibilités déjà éperonnées ?
Axe (2) Fondements éthique et morale
Ce deuxième axe organise les discours religieux autour des valeurs qui motivent des adresses et des interpellations que des religieux, individuellement ou collectivement, peuvent produire en vue de moraliser la vie publique. Dans plusieurs cas pouvant être considérés, ces discours typés sont mal perçus par les hommes politiques ainsi visés, qui reprochent à leurs auteurs religieux de se mêler de ce qui ne les regarde pas. Or cette mission de moralisation de la vie publique semble être bien assignée au saint siège de Rome et aux grands muphtis du monde musulman. En d’autres termes, la question ne se poserait-telle pas de savoir si les discours religieux devraient se cantonner sur les seules missions évangélisatrices ou islamisatrices, voire sur leurs renchérissements au sein du peuple de Dieu, déjà conquis ? Inversement, comment faire en sorte que les discours religieux concourent effectivement à la consolidation des nations, à l’épanouissement des peuples et à la fraternité universelle, s’ils ne s’imprègnent de la gestion de la vie publique ?
Axe (3) Les discours religieux et leur entrouverture à la laïcité.
Dans l’histoire des lettres et sciences humaines, bien des écrits des religieux ont pu s’orienter intelligemment dans divers domaines de la littérature, de la philosophie, de l’économie, de la sociologie et de la psychosociologie. Refusant d’être d’emblée stigmatisés comme autocentrés, réflexifs, voire obtus, ces discours religieux parviennent-ils, néanmoins, à s’émanciper des préceptes religieux qui les inspirent, d’autant que leurs auteurs sont bien connus dans leurs milieux de vie et de prédications ? Par ailleurs, comment les lecteurs scientifiques du langage peuvent-ils appliquer, en toute objectivité et rigueur, leurs méthodes d’enquêtes à des discours de prélats, d’imams, voire d’autres icônes, sans y pressentir une façon déguisée d’évangéliser ou d’islamiser, en jouant sur l’inévidence ? Par ailleurs, tout en donnant prise à la critique scientifique du langage, les discours religieux ne contraignent-ils pas, d’une manière ou une autre, les lecteurs, même les plus avertis ?
Non exhaustives, ces quelques interrogations formulées, auxquelles pourraient s’ajouter bien d’autres, motiveront les spécialistes des sciences du langage à appliquer leurs méthodes aux corpus religieux de leurs choix. Ils évalueront dans lesdits textes, entre autres, leur matérialité linguistique et stylistique, leur portée conjoncturelle ou universelle et la façon dont ils influencent les comportements, individuels ou collectifs, et d’autres enjeux interprétatifs auxquels ils conduisent, avec délicatesse.
L’attention des contributeurs est notamment appelée sur la centralité conférée à la mention « discours religieux », qu’ils ne devront jamais perdre de vue. Quelle que soit la posture de lecture scientifique du langage adoptée, cette condition demeure sine qua non pour la validation de leurs contributions par les comités scientifique et de lecture de la revue SLADI.
Les points suivants font l’objet d’instructions programmatiques :
La proposition des résumés comportera les notifications suivantes :
François KOUABENAN KOSSONOU, Professeur Titulaire de Stylistique et Potique, Directeur du laborale SLADI