La naissance d’une revue spécialisée en sciences du langage, s’appliquant aux discours d’invention, était impatiemment attendue dans la sous-région ouest-africaine francophone. C’est donc un vide que vient combler le volume (1) de 1a revue SLADI. Il rend un grand service, en effet, à la communauté scientifique universitaire africaine, en lui proposant une plateforme d’échanges d’expériences et de compétences d’analyse et d’interprétation de tout discours crypté. La revue SLADI veut efficacement encourager l’espoir que suscite globalement l’« analyse du discours » dans l’espace de communication et d’intercommunication africain.
Il paraît opportun, au moment où les analyses du discours s’affinent, que les affuts traditionnels d’étude de texte soient explicitement délimités et définis, afin que l’avènement d’un cadre plus englobant de réflexion et d’enquêtes techniques advienne, sans accros. Cette opportunité est d’autant plus envisageable que la famille des sciences du langage s’appliquant aux discours littéraires, regroupant Stylistique et Poétique, Sémiotique et Narratologie, Grammaire et Linguistique, démontre de plus en plus sa capacité à intégrer de nouveaux concepts opératoires et instruments d’analyse. Dès le départ donc, la revue SLADI se fonde sur le fait que les disciplines des sciences du langage ne sont solides que dans la mesure où elles restent solidaires et contribuent ensemble à l’édification d’une plateforme cohérente d’analyse du discours. En s’affermissant à partir des altérités fondatrices de réflexion et d’étude, selon une double visée critique : formelle et structurante, elles aborderont mieux les nouveaux que lui soumettra l’espace discursif africain.
C’est dans cette perspective de construction d’une plateforme intégrative des disciplines qui se donnent pour matière d’analyse la diversité des discours africains que s’inscrit ce tome 1 de la revue SLADI, structuré en trois sections :
Section 1- Articles de Stylistique, Rhétorique et Poétique, au nombre de quatre ;
Section 2- Articles de Sémiotique et Narratologie, au nombre de quatre ;
Section 3- Articles de Grammaire et Linguistique, au nombre de quatre.
Si cette disposition répond plutôt à un besoin d’aération du volume ainsi composé, les articles qui le meublent se conjoignent autour de leur vocation commune, consistant à scruter et à interpréter les discours d’invention sur lesquels ils s’appuient. Chaque article contribue à rendre compte à la fois de l’élégance d’un fonctionnement langagier, patiemment construit, et de l’intelligence des structures du contenu, admirablement mise en œuvre.
En réunissant, par conséquent, des articles scientifiques nourris par des discours d’inspiration et de production africaines, des programmes de formation et des habitudes de vie, la revue SLADI ambitionne de faire connaître la capacité des disciplines des sciences du langage à assumer leur part de tâche dans l’activité globale d’analyse du discours en terre africaine.
Pour cette contribution, l’exemplification que donne la revue SLADI va bien au-delà du discours littéraire, strictement donné comme la chasse-gardée traditionnelle des disciplines conjointes qui la soutiennent. Quatre articles sur douze sortent, en effet, des rangs pour s’offrir en esquisse à l’analyse d’autres types de discours et de pensée que littéraires, notamment à visée pratique. Ces cas sont présentés par trois articles relevant de la spécialité sémiotique et un article d’obédience stylistique.
Les trois articles sémiotiques se consacrent, respectivement, au programme de formation scientifique en Côte d’Ivoire, en rapport avec ses faiblesses et ses résultats mitigés, à la question de la cupidité comme une activité passionnelle manifestant une forme de vie dans les actes de commerce, notamment dans le marché urbain ivoirien, et aux instruments du discours juridique international et ivoirien ; en ce qu’ils sont doués de signification pouvant offrir prise à un examen sémiotique digne d’intérêt.
Quant à l’ouverture que propose la stylistique, elle s’applique au discours publicitaire, dans la mesure où il est susceptible d’impulser un examen technique portant sur des enjeux descriptifs et interprétatifs permettant de rendre compte d’une expressivité et d’une argumentativité conjointement abouties.
Comme l’on peut le comprendre, les articles qui explorent ces charnières de l’inventivité discursive ébauchent des voies d’exemplification pratique, en termes de prolégomènes à l’analyse du discours courant, institutionnel, pratique. Car la revue SLADI reste attentive à toute forme d’invention arrimée aux discours, quel qu’il soit. Elle publie et diffuse volontiers des articles situés à l’écart de la production littéraire, mais qui ne manquent pas d’intérêt pour l’analyse du discours. Elle donne un avant-goût des promesses qui l’ont fondée et qui interpellent les lecteurs africains.
S’il paraît évident, cependant, que les sciences du langage s’appliquant aux discours littéraires ont besoin de se réajuster pour mieux aborder d’autres types de discours, en accord avec la vision globale de l’analyse du discours, il est tout aussi manifeste que ce réajustement ne pose aucun problème ; d’autant que c’est le discours donné ou le programme considéré qui dicte sa conduite à l’analyse et impose ses instruments d’enquête.
La revue SLADI nous exhorte tous, par conséquent, à adhérer massivement au projet qu’elle nous propose en vue de redynamiser le marché de la lecture africaine. À partir de ce numéro liminaire, elle veut surtout signer avec tous ses lecteurs un contrat de confiance continu, contenu et soutenu ; car s’il est instructif de s’adonner à la lecture, il est également nécessaire de se prémunir de toutes les formes de manipulation langagière. Toutes choses auxquelles les sciences du langage nous préparent à agir en connaissance de cause.
François KOUABENAN-KOSSONOU,
Professeur de Stylistique et Poétique,
Directeur du laboratoire et de la revue SLADI
Date de parution : 2019-10-11