Le laboratoire SLADI (Sciences du Langage Appliquées aux Discours d’Invention) a centré l’argumentaire du numéro-2 de la revue SLADI sur le thème du « discours politique », dans un sujet de réflexion et d’étude libellé « Dis cours de conquête du pouvoir politique ». Le choix procède de l’environnement électoral de l’année 2020, en Afrique occidentale et dans d’autres régions du continent. Les élections présidentielles en Guinée (18 octobre), en Côte d’Ivoire (31 octobre), au Burkina Faso (22 novembre), au Ghana (7 décembre) offrent prise à d’importants discours de conquête ou de conservation du pouvoir politique. Il s’agit d’autant d’événements susceptibles de retenir l’attention des peuples de la sous-région, de l’Afrique et qui ne manquent pas de résonances dans bien des contrées lointaines du monde. On se doute, dès lors, des passions - empathiques ou antipathiques - qu’ils susciteront et dont les discours scientifiques devraient rendre compte. Cependant, on n’envisage pas seulement que des événements en cours ; car tous les discours de conquête et de maintien du pouvoir politique, y compris les acrobaties et soupapes de troisième mandat ; toujours mal-fondé légalement mais donné pour légitime par ses adjudicataires, sont soumis à la critique.
En faisant fond sur un contenu aussi avéré, il va sans dire que les approches textuelles des sciences du langage, entre autres linguistique textuelle, sémiotique, stylistique et poétique, auront du mal à privilégier le traitement de la forme de l’expression, à savoir le fonctionnement du langage en tant que tel. D’emblée, les contributions auront tendance à s’orienter, de » diverses manières, vers l’analyse de contenu. Cela va de soi, dans la mesure où l’analyse de contenu, à l’origine, entretient un rapport distancié avec les visées linguistique de la critique formelle. C’est pour cette raison que les auteurs réunis par ce numéro spécial auront moins à considérer la linguistique comme un système clos que comme une fonction consistant à exprimer le sens et la valeur du « discours politique ». Sous cet angle, les contenus linguistiques seront conjointement envisagés avec les contenus non linguistiques, voir intuitifs, sociohistoriques, culturels, etc.
Il s’ensuit que l’intérêt des textes qui suivent portera moins sur eux-mêmes que sur les conditions de production des discours politiques qui leurs servent de matière d’étude. À propos, nous nous accordons avec Georges Vignaux (1973) qui pose que :
L’analyse des textes (…) est inspirée par la définition préalable des conditions de production, c’est-à-dire (…) les attitudes ou les opinions que l’on cherche à délimiter sur un sujet déterminé. Ces attitudes, qu’elles soient de type affectif ou cognitif, sont elles-mêmes catégorisées (…) par leur direction favorable ou défavorable et par leur intensité ou encore degré d’émergence. »
Cela veut dire, par conséquent, que l’on en vient à poser pour principe que les structures formelles des textes véhiculent des contenus perceptibles, sans pour autant qu’elles-mêmes perdent tout intérêt intrinsèque. Cela signifie notamment que quelle que soit la flagrance d’un contenu donné il est enrôlé par une expressivité audible. C’est dans une perspective herméneutique des inférences sémantiques et des assignations de sens et de valeur que les discours sont abordés. Il suit, concrètement, que c’est en considération de la visée de conquête du pouvoir politique, répartie entre « Le discours de conquête en période de campagne électorale », « Le discours de conquête à l’aune des parties politiques » et « Les formes et types de discours de conquête du pouvoir politique » que le numéro spécial situe sa cohérence.
Équitablement distribuées, les différentes contributions croisent plusieurs points de vue dans ce volume spécial. Ils se conjoignent dans le « discours politique » en tant que thème intégrateur s’ancrant ou bien dans la factualité des conquêtes, des reconquêtes et des stratégies d’accaparement du pouvoir ou bien dans des tentatives de légitimation du pouvoir conquis. Dans « Le discours de conquête en période de campagne électorale », quatre contributions enrichissent la lecture critique.
François KOUABENAN-KOSSONOU,
Directeur du laboratoire et de la revue SLADI
Date de parution : 2020-12-01